Le pays du lieutenant Schreiber de Andreï Makine
Publié le 6 Août 2015
Aujourd'hui, son nom est à peine connu. Pourtant, l'ancien lieutenant Jean-Claude Servan-Schreiber, petit fils d'un juif prussien émigré, a servi la France pendant ses heures les plus sombres. Andreï Makine, à travers le récit de leur amitié, de leurs échanges et de leurs combats communs, rend hommage à ce héros oublié de la Seconde Guerre mondiale, pour aider sa parole à vaincre l'oubli.
Je voudrais tout d'abord les Editions Le Point et le site Livraddict pour ce partenariat. J'ai pu découvrir une partie de l'histoire d'un homme qui est connu dans la vie politique et journalistique mais dont ses faits d'armes sont moins connus. Je parle de Mr Jean-Claude Servran Schreiber.
J.C Servan Schreiber fut lieutenant dans la cavalerie blindée durant la Seconde Guerre Mondiale. Il est Commandeur de la Légion d'Honneur, il a obtenue la Croix de guerre 1939-1945 avec 4 palmes et 1 clou vermeil et la Legion of Honour de l'US Army et la médaille militaire.
Côté journalistique, il travaille aux Echos où il sera directeur à la suite de son père, il créera le journal L'Express avec son cousin Jean-Jacques et il est aussi à la l'origine de la Régie Française de la Publicité.
Côté politique, ce gaulliste deviendra député de la 11e circonscription de la Seine du 20 Octobre 1965 au 2 Avril 1967. Lors des élections législatives de Juin 1968, il s'est même opposé à François Mitterand dans sa circonscription de la Nievre mais en vain.
Mais parlons du livre car c'est ce qui nous intéresse. Ce livre est un échange entre le romancier AndreÏ Makine et Mr Servan-Schreiber sur ses années de guerre mais aussi sur son retour à la Libération.
J'ai trouvé dommage qu'on ait pas assez de détails sur ses années de guerre mais ce n'est pas le sujet. Ce livre montre la difficile adaptation des soldats au retour de guerre, le fait de devoir oublier ces années, et de devoir s'adapter à cette nouvelle vie. Le retour des soldats peut s'aparenter au retour des déportés. Un passage du livre m'a fait penser au livre L'Ecriture ou la Vie de Jorge Semprùn où il évoque cette difficulté de s'adapter à sa nouvelle vie mais aussi de son "devoir" d'oubli. Personne ne veut savoir.
On le voit quand Andreï Makine et JC Servan- Schreiber veulent écrire et publier un biographie sur ces années de guerre. Aucun éditeur ne veut de cette histoire et même une fois publié, le livre ne se vend pas. Le devoir de mémoire, on en parle partout mais il se fait une fois par an par des commémorations mais personne ne s'intéresse vraiment aux livres traitant du sujet. Les gens préfèrent des fictions sur le sujet plutôt que la réalité des faits.
J'ai bien aimé cette découverte et je vois ce livre comme un véritable plaidoyer sur le devoir de mémoire qui reste manifestement faible en France.
Si vous souhaitez en savoir plus sur les années de guerre de Mr Servan-Schreiber, il faut lire Tête Haute : Souvenirs.
Mais le livre de Andreï Makine est indispensable pour toucher la sensibilité de ce grand homme.
la nuit, il se réveille en sursaut, haletant. Un songe qui revient souvent: un champs enneigé, de hautes gerbes de terre projetées par les explosions, lui - à la tourelle de son char, et là, tout près déjà, et si loin ! ces deux camarades blessés qui rampent vers lui, en marquant la neige d'une longue trace de sang. Encore une vingtaine de mètres et ils seront à l'abri. Des balles, des éclats ricochent sur le blindage, le lieutenant crie à travers le vacarme du combat: "Leper ! Catherineau ! Tenez le coup !" Il descend, empoigne le premier, parvient à le cacher derrière le char, enserre le second qui est contusionné et couvert de sang... Et le temps s'enraye, celui des cauchemars, des gestes enlisés dans l'impossibilité d'avancer, la frayeur paralysante à la vue des blindés ennemis qui progressent, les encerclent, s'apprêtent à faire feu...